La consultation nationale des 6/18 ans de l'UNICEF
L'UNICEF publie la synthèse de sa consultation nationale des 6/18 ans 2024 intitulée "Enfants et adolescents en souffrance". Un document intéressant qui met bien en exergue les inégalités sociales présentes chez les enfants. Il a aussi l'avantage de s'intéresser à des enfants aux parcours spécifiques,, notamment ceux qui sont hébergés ou qui vivent en institution.
La limite ? Depuis ce matin, les médias communiquent autour de certaines données générales de cette étude sans s'intéresser à la manière dont elles ont été construites.
Or, certaines affirmations dans ce rapport posent question lorsque nous sommes habitués à interroger des 6/18 ans. En voici quelques exemples :
La passation du questionnaire quantitatif présente des limites importantes :
Il comportait 100 questions : un nombre de questions très (trop) important pour obtenir des réponses signifiantes auprès des 6/10 ans.
Les lieux de passation étaient les écoles et les centres sociaux, des lieux qui apportent des biais non-négligeables surtout avec des enfants qui ont souvent la sensation qu'il y a une "bonne" réponse à donner. De plus, les plus jeunes étaient accompagnés par les enseignants ou les animateurs du lieu, non formés pour ce type d'interrogation auprès d'enfants.
Les demandes relatives aux pratiques alimentaires sont basées sur du déclaratif : le déclaratif pose toujours question lorsqu'il s'agit d'analyser les comportements alimentaires. c'est encore plus le cas lorsque les questions ont été posées à des enfants et à des adolescents : quelle compréhension de la question ? Des items proposés ? Des représentations et connaissances en alimentation ?
"Les enfants jugent majoritairement les repas servis à la cantine de mauvaise qualité (goût, température des plats, fraîcheur des aliments, …)." (p.28) : Il est très déconseillé de poser des questions générales sur les repas servis dans les cantines. les réponses des 6/18 ans sont souvent très négatives. Il est nécessaire d'interroger plus précisément le ressenti suite au dernier repas pris dans la cantine. Les résultats sont souvent bien plus nuancés. De plus, la notion de "goût" chez les 6/10 ans est complexe à analyser : un mauvais "goût" ne peut pas être associé à une "mauvaise qualité" du plat.
Par ailleurs, en ce qui concerne le terme "privation", les médias semblent le prendre au sens classique du terme : refus de la part d'un adulte ou absence de moyen financier. Or, dans ce rapport, c'est la terminologie sociologique qui est utilisée qui désigne une inégalité sociale d'accès à une pratique. Cette inégalité peut être liée à une problématique financière, mais, bien souvent, elle s'accompagne de logiques sociales indépendantes des revenus disponibles. Quelques exemples :
Ainsi, 20 Minutes titre "En France, un enfant sur cinq n’a pas droit à ses trois repas par jour". Dans l'étude de l'UNICEF, manger moins de 3 repas par jour est considéré comme "une privation préjudiciable à la santé". Il ne s'agit pas seulement d'une problématique financière. Le petit-déjeuner, par exemple, est un repas qui est parfois non consommé par les 6/18 ans pour de multiples raisons (absence de sensation de faim, fatigue, habitude familiale, etc.). D'après INCA3, 1 enfant sur 5 va à l'école au moins une fois par semaine sans petit-déjeuner.
En ce qui concerne l'absence de pratique sportive ou culturelle, là encore, tout n'est pas seulement lié à la dimension financière : le manque d'infrastructure (notamment en milieu rural), la disponibilité des parents pour gérer ces activités, etc. jouent. Ajoutons à cela que, dans les milieux sociaux modestes, les filles abandonnent volontairement de manière statistiquement importante les pratiques sportives car elles participent peu à leur construction identitaire, contrairement aux garçons du même milieu social ou aux filles d'un milieu social plus favorisé (ONAPS, 2022). De même, les pratiques culturelles font moins partie des habitus culturelles des milieux sociaux modestes que des milieux sociaux favorisés. Il y a donc un travail à effectuer sur la sensibilisation de ces publics à ces pratiques.
Sources :
CONSULTATION NATIONALE DES 6-18 ANS 2024, Enfants, adolescents en souffrance, Privations, déficit de protection et rejet social, UNICEF, Centre Maurice Halbwachs, 2024 :
Étude individuelle nationale des consommations alimentaires 3 (INCA 3), Avis de l’Anses Rapport d’expertise collective Juin 2017. Téléchargeable ci-dessous :
ONAPS, Activité physique et sédentarité de l'enfant et de l'adolescent, 2022.
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